C’est un fait : la crise secoue l’Union européenne. Même si les causes de cette crise et la crise politique sont imputables pour l’essentiel aux gouvernements respectifs des États membres, des doutes s’installent à propos de l’Union européenne. Pourtant, on oublie que l’UE est une des idées politiques les meilleures, les plus passionnantes et les plus réussies de toute la planète. Nous vivons dans une région du monde que beaucoup envient. Fort de nos expériences sur le continent européen, nous n’avons pas d’autre choix que celui de continuer à construire, mais aussi à développer l’Union européenne qui donne aujourd’hui une patrie à de si nombreuses nations.
Mais tout n’est pas rose. La fracture entre les pays et les régions est devenue plus visible. La politique d’austérité unilatérale engagée sous la conduite de la chancelière allemande Angela Merkel a fait se creuser le fossé entre les États membres. Les différences entre le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest, qui ont toujours existé, deviennent un fardeau. De nombreux Européens et Européennes se sentent dépréciés par la manière dogmatique dont les personnes politiques allemandes traitent la crise de l’euro. La politique de Berlin donne véritablement le sentiment et même la conviction que c’en est fait de la prospérité et du succès de la construction européenne commune.
C’est pour cela que pendant la campagne des primaires des Verts européens, je veux faire entendre la voix de l’autre Allemagne. C’est vrai : chez nous, en Allemagne, il existe des choses qui peuvent présenter un intérêt pour d’autres pays de l’UE ; la transition énergétique ou la formation en alternance en sont deux exemples, parmi d’autres. Mais il faut donner aux autres la possibilité d’en faire des projets européens. De plus, les Allemands et Allemandes doivent être prêts à apprendre eux aussi des réussites des autres. Les salaires minimum, les écoles, la protection contre les crues ou les systèmes de santé sont autant de domaines qui me viennent à l’esprit.
Le désir d’éliminer les étroitesses nationales, l’idée du fédéralisme guident nos pas dans la politique européenne. La confiance des citoyens et des citoyennes en cette politique européenne est l’élément le plus important. L’UE doit garantir la liberté et la sécurité. Mais la grande promesse européenne d’une vie meilleure doit elle aussi se réaffirmer. Les populations – pas uniquement dans les pays en crise – doivent pouvoir croire en un avenir commun meilleur. C’est la base de la confiance dans l’Union européenne.
J’en ai assez de ces Sommets européens à Bruxelles toujours plus nombreux qui ne font que reporter les prises de décision et où on ne fait que se demander qui, de la chancelière allemande ou du président français, a gagné ou perdu. Nous n’avons plus besoin de nouvelles réunions de l’Eurogroupe ni même d’un Parlement qui se consacre exclusivement à la seule zone euro. Nous avons besoin d’institutions communautaires solides et que le Parlement européen puisse exercer pleinement le contrôle démocratique et la codécision parlementaire dont il est l’expression.
Il ne sera pas facile d’atteindre tous ces objectifs. Nous devrons en passer par de nouvelles modifications des traités. Mais elles ne devront pas être décidées par le « machin de Bruxelles ». Après les élections législatives, je souhaite la création d’une convention démocratique qui débattra ouvertement des modifications indispensables à apporter. La participation et la transparence seront indispensables. Ce n’est que de cette manière que Bruxelles, la démocratie européenne seront comprises et vivantes. Nous tous à Bruxelles en avons la responsabilité. L’expérience montre que l’histoire de l’UE n’est pas un long fleuve tranquille. Quiconque repense à notre continent au siècle dernier ou considère d’autres parties du monde sait que le jeu en vaut la chandelle. L’Europe a encore besoin de passion mais aussi de patience !
C’est une question centrale. La politique d’austérité unilatérale a mis les pays en crise sur une pente fatale. Lors de mes visites au Portugal, en Espagne et en Grèce, j’ai vu ce qui allait de travers. Le dernier signal d’alarme fut la fermeture de la chaîne publique grecque ERT qui cessa d’émettre en juin 2013, pour atteindre le chiffre nécessaire de suppression d’emplois dans le service public.
Une expérience directe : les populations des pays en crise se sentent abandonnées par l’UE – en dépit des aides d’urgence. En même temps, d’autres États – dont l’Allemagne – ont le sentiment de devoir payer le prix d’une politique irresponsable menée par la Grèce et d’autres États. Bruxelles est volontiers rendu responsable de cette situation tant par les uns que par les autres. Et pourtant, le Parlement européen a peu d’influence sur le processus décisionnel. Les gouvernements, notamment Berlin, l’en empêchent. Les programmes de stabilité sont arrêtés sans véritable contrôle démocratique ni codécision du Parlement européen.
Je sais que nous n’avons aucun remède miracle contre les difficultés actuelles et que la route sera encore longue pour en sortir. La solidarité européenne mutuelle est aussi importante que la solidité budgétaire des États auxquels le sauvetage des banques a imposé un fardeau supplémentaire. Nombreuses sont les personnes que j’ai rencontrées en Grèce par exemple qui veulent un nouveau départ pour leur État. Encore faut-il qu’elles en aient la possibilité. La Grèce n’est qu’un de ces pays qui a besoin d’investissements pour relancer son économie. Face au chômage de masse qui touche de plein fouet particulièrement les jeunes, il faut des moyens. Mais tout dépend aussi de la direction que l’on prendra : une reprise économique durable nécessite la lutte contre le changement climatique et l’utilisation efficace des ressources. La transition énergétique est une bonne solution dans tous les pays en crise : elle permet de réaliser des économies sur les coûts élevés du pétrole, de créer des emplois, tout en protégeant le climat.
Jusqu’à présent l’endettement des États était au centre de la crise politique au bénéfice des banques largement épargnées en dépit des crises qu’elles font peser sur nous tous. L’UE doit réglementer autrement et solidement le marché financier, afin de prévenir la survenue d’une nouvelle crise financière et bancaire. Nous avançons dans cette direction à la vitesse d’un escargot. Le lobby bancaire a plus d’influence que les associations de défense des consommateurs, par exemple.
Ce n’est que maintenant, cinq ans après l’effondrement bancaire en 2008, qu’a été décidée la surveillance des banques européennes. Des règles européennes visant à garantir le capital des banques pour empêcher qu’un tel événement ne se reproduise font toujours défaut.
Il est indispensable d’envisager la possibilité de résoudre les défaillances bancaires, afin de ne plus engager la responsabilité des citoyens en tant que créancier. Et je demeure tout à fait favorable à l’idée d’instaurer une agence européenne de notation.
La taxe sur les transactions financières que l’on a promis d’instaurer doit être introduite dans tous les États membres de l’UE. En outre, les recettes des États deviennent plus saines, lorsque les entreprises internationales paient leurs impôts dans le pays où elles réalisent leurs profits. Pour cela, il fait mettre fin à la concurrence fiscale dans l’UE.
Enfin, nous devons enfin agir contre les paradis fiscaux, de telle manière que tous les citoyens contribuent au financement de la communauté et à la réduction de la dette et pas uniquement ceux qui paient réellement leurs impôts.
Voici presque dix ans que je suis au Parlement européen à Bruxelles, mais je n’ai jamais vécu un tel événement : en juillet 2013, la chancelière allemande Angela Merkel bloque à nouveau, par son simple veto, un compromis déjà négocié entre tous les États membres, le Parlement européen et la Commission européenne concernant les nouveaux plafonds d’émission de CO2 des voitures. Monstrueux ! Les intérêts des fabricants automobiles tels que BMW pèsent manifestement plus lourds que les objectifs de la lutte contre le changement climatique. L’abus de Merkel montre que le consensus que l’on invoque volontiers sur la lutte contre le changement climatique n’existe pas en réalité.
Pourtant, le paquet « changement climatique » de 2008 était un bon début ; à l’époque, les États membres de l’UE – sous la conduite d’Angela Merkel justement ! – s’engageaient à atteindre d’ici à 2020 les objectifs suivants : baisser de 20 % des rejets de CO2, porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’UE et améliorer l’efficacité énergétique de 20 %.
Pour ce qui est de l’objectif de réduire les émissions de gaz, il existe un manque d’ambition générale, pas uniquement pour l’industrie automobile et pas uniquement de la part d’Angela Merkel. À l’heure qu’il est, l’UE a déjà presque atteint son objectif pour 2020 – notamment à cause de la crise économique. L’excédent de quotas d’émission de gaz à effet de serre sur le marché rend inefficace le système d’échange de quotas – qui est un des principaux instruments dédiés aux questions en rapport avec le climat.
Cela doit changer ! Jusqu’à présent, ce sont les majorités conservatrices et libérales au Parlement européen et au Conseil européen qui empêchent la progression de la politique énergétique et climatique européenne, laquelle est nécessaire et urgente. Le veto de Merkel en faveur des grosses cylindrées n’est qu’un exemple parmi d’autres.
J’ai participé à de nombreuses conférences internationales sur le climat. Le prochain sommet décisif se déroulera en 2015 à Paris. Il est donc temps d’accroître la pression, à Bruxelles, pour améliorer les chances de succès. Nous avons besoin de fixer immédiatement des objectifs plus ambitieux pour 2020 - au moins 30 % de réduction des émissions -, de fixer des objectifs contraignants pour 2030 et de procéder à une réforme rapide et globale du système d’échange de quotas. Ce n’est que de cette manière que nous aurons une chance de voir se joindre à nous les autres États, de conclure d’ici à 2015 un accord international ambitieux et contraignant sur le climat, et qu’il nous sera encore possible de limiter le réchauffement de la planète à deux degrés Celsius. La gravité des inondations qui ont de plus en plus fréquemment un impact dévastateur sur les fleuves et cours d’eaux européens également nous montre à quel point il est urgent d’agir.
Nous pouvons rapidement aller plus loin. Nous avons besoin d’une transition énergétique. C’est vrai : en Allemagne, elle est mal partie. Mais ce n’est pas dû aux faiblesses des technologies renouvelables. C’est dû au manque de volonté du gouvernement allemand à faire un succès de cette transition énergétique. Nous devons donner une nouvelle impulsion à l’évolution du secteur de l’énergie : notre bouquet énergétique doit se détourner du charbon et de l’énergie nucléaire, partout dans l’UE.
L’utilisation plus efficace de l’énergie et le renforcement de la part des énergies renouvelables représentent finalement aussi une chance fabuleuse, et pas uniquement pour l’environnement : nous pouvons parvenir à un approvisionnement énergétique abordable, sûr et respectueux de l’environnement pour tous les citoyens de l’UE. La transition énergétique européenne peut donner un nouvel élan à l’économie. Elle peut nous faire gagner de l’indépendance par rapport à Gazprom et aux princes du pétrole. Elle peut être un nouveau projet d’identification européenne. Je propose donc de conclure un nouveau pacte énergétique – à l’instar du traité instituant jadis la Communauté européenne du charbon et de l’acier, sur lequel est établie l’Union européenne. Le renforcement de la part des énergies renouvelables, les économies systématiques d’énergie, la valorisation des grands potentiels d’efficacité sont non seulement une source d’innovation et d’emplois pour l’économie et l’industrie européenne, mais ils font partie du chemin pour nous assurer un avenir durable. Je considère les Verts comme étant ceux qui doivent préparer ce chemin. Je prends personnellement autant au sérieux le fait de continuer à sensibiliser tous les citoyens à cette réalité que celui de fixer des objectifs ambitieux en matière climatique.
Depuis la catastrophe de Fukushima, la majorité des citoyens européens veut abandonner la technologie à haut risque qu’est le nucléaire. Plus de deux après la catastrophe, les réacteurs nucléaires de Fukushima font figure de bombe à retardement. Le moindre tremblement de terre d’amplitude moyenne pourrait aggraver la situation. Des matières radioactives sont émises chaque jour.
Déjà lors de ma visite au Japon en 2012, j’avais été remplie d’effroi par la manière dont le gouvernement et l’industrie nucléaire japonais essayaient de minimiser les problèmes gigantesques causés par la catastrophe. Jusqu’à présent, la communauté internationale tolère le mensonge dangereux selon lequel Fukushima serait sous contrôle. La décision d’organiser les Jeux Olympiques à Tokyo doit avoir pour effet de mettre un terme à la minimisation de la situation. Avec des experts du monde entier, je lutte pour la mise sur pied d’un groupe de travail international « Fukushima », qui doit mettre tout en œuvre pour pallier les effets de la catastrophe et pour améliorer la protection de la population sur place. Fukushima et Tchernobyl sont deux avertissements terribles : le nucléaire est dangereux et nous revient très cher. Les déchets radioactifs émettent des radiations pendant une éternité et il n’existe à ce jour nulle part sur la Terre un site de stockage sûr.
Depuis plus de trois décennies, je lutte au sein du mouvement anti-nucléaire pour l’abandon de l’énergie nucléaire. Grâce à l’engagement de nombreux citoyens, nous avons parcouru beaucoup de chemin. La moitié des États membres de l’UE n’exploitent pas l’énergie nucléaire ou a décidé de la supprimer progressivement. Au niveau national, cette décision est positive. Mais cette suppression et la transition énergétique doivent être ancrées au niveau européen.
La Grande-Bretagne et la République Tchèque envisagent actuellement de construire de nouvelles centrales nucléaires. En Hongrie, la durée de vie des centrales vétustes doit être prolongée. Pour couronner le tout, Bruxelles veut apporter son aide : la Commission européenne prévoit d’autoriser à l’avenir l’octroi de subventions publiques en faveur de l’énergie nucléaire qualifiée de « respectueuse de l’environnement ». Pour le moment, les règles européennes en matière de concurrence ne le permettent pas. Et il ne doit pas en être autrement.
L’industrie nucléaire jouit depuis bien trop longtemps de nombreux avantages concurrentiels. Les exploitants de centrales nucléaires ne sont pas tenus d’assurer suffisamment leurs installations contre un accident nucléaire. Les coûts élevés de fermeture et de stockage définitif qui ne seront dus qu’à l’avenir sont loin d’être couverts par le fonds de réserve du secteur nucléaire. Il est grand temps d’adopter des règles européennes relatives à la responsabilité en cas d’accident nucléaire et pour la constitution d’un fonds de droit public pour la fermeture et le démantèlement des centrales nucléaires. Les groupes industriels doivent enfin assumer la responsabilité financière des problèmes dont ils sont à l’origine.
Les testes de résistance réalisés sur les centrales nucléaires de l’UE sont un alibi dangereux pour le maintien des centrales anciennes et présentant des risques. De nombreux risques, tels que la fatigue du matériel, la défaillance humaine ou les conséquences d’un accident d’avion, n’ont pas été vérifiés. Tant que les centrales nucléaires seront exploitées, l’UE a besoin d’une directive solide sur la sécurité nucléaire fixant des normes contraignantes définies sur la base des connaissances scientifiques et techniques les plus récentes. Il faut fermer immédiatement les réacteurs nucléaires vétustes présentant beaucoup de risques, les réacteurs situés en zone sismique ou sans coque de protection secondaire.
Pour les déchets radioactifs également, nous avons besoin de règles européennes claires fixant des normes contraignantes très élevées. Leur transfert dans des États tiers doit être interdit. L’Allemagne est justement en train d’essayer de prendre un nouveau départ en matière de stockage définitif des déchets radioactifs. Le site de Gorleben doit être définitivement éliminé comme lieu de stockage. Dans d’autres pays européens également, des procédures doivent être lancées pour essayer de préparer un stockage responsable. À cet égard, les citoyens doivent avoir une grande influence et des droits.
Quels que soient les efforts déployés pour une plus grande sécurité, la meilleure solution est la fermeture des centrales nucléaires !
Edward Snowden a non seulement mérité d’être lauréat de prix d’organisations engagées dans la défense des droits de l’homme. L’ancien collaborateur de la NSA, l’Agence nationale de la sécurité américaine, a découvert la violation systématique de nos droits fondamentaux ; et pour cela, nous, les Européens, devons non seulement lui adresser des paroles de remerciement bien intentionnées, mais nous devons aussi l’aider. Et, au lieu de cela, nous l’abandonnons à son asile non volontaire en Russie.
L’indignation en Europe et notamment à Bruxelles était grande après les révélations de faits de surveillance par la NSA. Mais, qu’en est-il resté ? Peu de chose.
Tout citoyen a droit à la protection des données à caractère personnel le concernant. Cela est inscrit dans les traités de l’Union européenne et dans la Charte des droits fondamentaux. Nous devons lutter pour que ces droits n’existent pas uniquement sur le papier.
Le Parlement européen est en train de travailler sur une réforme du règlement européen relatif à la protection des données. Autrement dit, ce règlement est au centre d’une controverse. Les révélations d’Edward Snowden sont arrivées à point nommé. Ce n’est qu’à la lumière du programme Prism et de l’opération Tempora que des règles fiables de protection des données à caractère privé sont revenues au cœur des débats : quelles données un opérateur de réseau n’a-t-il pas le droit de divulguer ? Le consentement de l’utilisateur avant la diffusion des données, le « droit à l’oubli », en d’autres termes, le retrait des données du réseau, sont autant de revendications des Verts, et la question des sanctions pécuniaires lourdes contre les opérateurs en infraction le sont encore plus.
Avant les publications d’Edward Snowden, je mettais un courrier électronique sur le même pied qu’une carte postale ou qu’une enveloppe cachetée. Mais, je commence maintenant à verrouiller ma correspondance virtuelle. Tout un chacun porte une part de responsabilité vis-à-vis des données qu’il ou elle introduit dans le réseau. Pour moi, il est important que chacun soit conscient que la meilleure protection de la vie privée consiste en réduire la masse de données publiques.
Au-delà de ça, quelles sont les implications plus larges de Prism et Tempora ? L’UE a une chance de veiller à une meilleure protection des données au niveau international également. La Commission européenne est justement en train de négocier au nom des États membres un accord de libre-échange avec les États-Unis. Je suis convaincue qu’il faudrait d’abord négocier sur les normes internationales en matière de protection des données. Il existe de nombreux arguments défavorables au TTIP. La conclusion de ce partenariat doit être conditionnée au respect des droits fondamentaux par les agences de sécurité et les services secrets. Telle est la revendication que je formule auprès du Commissaire européen De Gucht et des autres négociateurs de Bruxelles.
Les adversaires politiques des Verts leur reprochent souvent de vouloir interdire tout ce qui procure du plaisir. Je n’arrive pas à comprendre cet argument. Lorsque je milite par exemple pour diminuer le nombre de voitures et favoriser la bicyclette, je le fais naturellement parce que c’est bénéfique pour l’environnement et le climat, mais aussi parce qu’il est plus agréable de rouler à vélo. Il en va de même pour la nourriture : je n’ai rien contre un bon steak - mais pas tous les jours. Et par-dessus tout, je n’aime pas lorsque l’animal est imprégné d’antibiotiques et de fourrage génétiquement modifié. Ces dernières années, des scandales alimentaires à répétition ont montré que notre système de production de viande va dans la mauvaise direction. La qualité, la santé et la protection des animaux comptent d’autant moins que la viande est vendue à bon marché. Les chaînes de production qui comptent de nombreuses stations réparties dans plusieurs pays favorisent l’escroquerie et la mauvaise qualité.
C’est aussi pour cela que je veux une autre politique agricole en Europe. Nous devons réduire systématiquement la dépendance aux importations d’aliments pour animaux, de pesticides et d’antibiotiques. Nous devons promouvoir une agriculture paysanne au lieu d’une agriculture industrielle. Nous voulons une politique agricole qui permet aux agriculteurs et agricultrices et aux citoyens et citoyennes de faire facilement le choix d’une gestion durable et d’une alimentation raisonnée. L’agriculture biologique est un précurseur dans ce domaine. Elle ne doit plus être réservée à de rares privilégiés.
Actuellement, 80 % de l’ensemble des paiements directs sont versés par Bruxelles à 20 % de l’ensemble des exploitations agricoles. Dans les États membres de l’UE, une poignée de grandes exploitations perçoivent plus de 300 000 euros de subventions par an. Nous, le groupe des Verts au Parlement européen, avions donc pris position dans le cadre de la réforme agraire actuelle pour la fixation d’un plafond raisonnable applicable aux subventions, mais nous n’avons malheureusement pas pu faire aboutir notre revendication. La question des plafonds reste donc entre les mains des États membres.
Que je m’adresse aux producteurs laitiers ou aux apiculteurs, la réponse est la même : ils sont tous d’accord pour dire que nous avons besoin de diversité plutôt que de monocultures. La rotation des cultures, les prairies, les bandes fleuries et les haies sont importantes pour avoir des sols sains. Elles sont également efficaces contre un excédent de pesticides, d’engrais chimiques et contre la sécheresse. En outre, les gaz à effet de serre sont réduits de manière significative. Nos vaches ont besoin de pâturage et de protéines végétales autochtones, pas de soja transgénique importé. Nous devons éliminer les étables d’envergure industrielle qui poussent comme des champignons.
C’est aussi pour cette raison que je considère d’un œil critique les négociations en vue d’un accord de libre échange entre l’UE et les États-Unis. Notre agriculture paysanne a-t-elle les reins assez solides face à la concurrence du géant américain ? Les règles européennes relatives, par exemple, à l’alimentation animale, à l’application du génie génétique et à l’utilisation des antibiotiques ne doivent en aucun être diluées. D’abord les normes, ensuite les négociations !
La réorganisation de l’agriculture est un travail de longue haleine qui nécessite de la volonté, non seulement au niveau politique, mais également de la part des agriculteurs, agricultrices et des consommateurs et consommatrices. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons atteindre cet objectif.
« Centres d’hébergement », c’est ainsi que désigne le gouvernement grec ses camps de réfugiés. Cette appellation montre le cynisme de la politique européenne en matière d’asile et de réfugiés. Les camps collectifs et d’éloignement existant en Grèce, et partout ailleurs aussi, sont tout sauf accueillants ! Des jeunes y sont enfermés, séparés de leur famille, sans école, sans soins médicaux. Des personnes qui n’ont commis aucun délit, hormis celui de s’enfuir de leurs pays, sont traitées comme des criminels et enfermées pour une durée souvent indéterminée. Ces personnes n’ont aucune assistance juridique, souffrent de la faim et du manque d’hygiène. Dans ces camps situés le long de la mer Méditerranée, l’UE trahit ses propres valeurs.
Le nouveau régime d’asile européen adopté en juin 2013 par une majorité conservatrice déçoit amèrement : il ne reste rien de notre revendication d’instaurer un système uniforme de protection pour les réfugiés. Mais nous avons cruellement besoin de normes de protection uniformes stables. Toute personne qui a besoin de protection doit pouvoir à nouveau être réellement susceptible de bénéficier du droit d’asile dans l’Union européenne. Le règlement Dublin-II pose pour principe que la demande d’asile ne peut être introduite que dans le pays où est entré le demandeur. Par conséquent, du fait de sa situation géographique, la Grèce croule sous les demandes d’asile. Les demandeurs vivent dans l’illégalité ou dans les camps dans des conditions inhumaines. Les pays nordiques riches, y compris l’Allemagne, tiennent éloignés les réfugiés. Ils sont malgré tout responsables de la misère en Grèce ou sur l’île de Lampedusa et de la mort de nombreux réfugiés pendant leur traversée de la Méditerranée.
L’UE doit enfin assumer une responsabilité humanitaire à la hauteur de sa puissance et de sa prospérité et doit respecter le droit international. L’exode massif de Syriens nous le rappelle chaque jour.
L’UE doit - malheureusement - aussi renforcer ses propres droits fondamentaux. Des modifications constitutionnelles douteuses, le non-respect des droits des GLBT, les discriminations persistantes contre la population Rom ou la dégradation de la liberté de la presse posent des problèmes croissants dans plusieurs pays de l’UE. Trop souvent ces situations sont étouffées par Bruxelles, car les membres des grands partis populaires ne s’y opposent pas.
Une plus grande pression populaire pourrait aider à lutter contre ces dérives. Nous avons besoin de donner une plus grande transparence aux institutions européennes et aux citoyens davantage de possibilités de participation. L’initiative citoyenne européenne est un bon instrument, car elle donne à chacun un certain pouvoir d’intervention.
À côté de tout ce travail à accomplir en son sein, l’UE doit aussi s’investir pour les droits de l’homme et la démocratie dans son voisinage immédiat. Je me suis rendue à de maintes reprises en Ukraine. La justice politique, comme dans l’affaire Timoschenko, ne peut plus être tolérée. Il en va de même en Russie avec l’affaire Chodorkowski, les femmes du groupe Pussy Riot ou le blogueur Nawalny. Les évolutions que vivent non seulement les pays situés à l’est de l’UE, mais également ceux situés au sud après la fin précipitée de ce que nous avons appelé le printemps arabe, requièrent l’ingérence européenne. Les pays concernés doivent aller à la conquête de la démocratie et des droits de l’homme. Mais nous pouvons et nous devons les y aider. Nous pouvons veiller à un meilleur développement économique et à une meilleure éducation. Nous devons exporter moins d’armes et plus de perspectives et soutenir les défenseurs de la démocratie en améliorant notre droit d’asile et nos lois sur l’immigration. Cela fait trop longtemps que l’UE pactise sans scrupules avec de nombreuses dictatures, pour servir ses intérêts.